
Certains noms résonnent comme des échos lointains d’un monde disparu, des noms couverts de poussière et de fer, de silence et de foi. Foulques de Villaret est de ceux-là. Moine et guerrier, stratège et homme d’ambition, il fut le vingt-sixième grand maître de l’Ordre des Hospitaliers, dans un temps où le sabre et la prière se confondaient, où les îles de la Méditerranée étaient des forteresses flottantes, et où l’idéal des croisades vivait ses derniers feux.
Qui est Foulques de Villaret ?
Né vers 1270 au château d’Allenc, Foulques de Villaret appartient à cette noblesse méridionale forgée dans les guerres, les vignes et les pierres. Il entre jeune dans l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem — les Hospitaliers — un ordre religieux devenu militaire, chargé de soigner les pèlerins… mais surtout de défendre les royaumes chrétiens en Terre Sainte.
Quand il est élu grand maître en 1305, l’Ordre n’est plus ce qu’il était. Chassé de Terre Sainte, exilé à Chypre, il n’a plus de territoire propre. Ses chevaliers, redoutables, sont devenus presque des moines errants. Mais Foulques, lui, voit plus loin. Il n’est pas là pour entretenir les cendres — il veut rallumer le feu.
La conquête de Rhodes : le rêve d’un royaume
C’est dans la Méditerranée qu’il cherche un nouveau bastion. En 1306, il cible Rhodes, île byzantine stratégique aux portes de l’Orient. Pendant trois ans, il organise, intrigue, combat. Et en 1309, il réussit ce que beaucoup croyaient impossible : l’Ordre des Hospitaliers devient souverain.
Rhodes est prise. Elle devient leur capitale.
Foulques n’est plus seulement un maître spirituel, il devient prince, commandant, bâtisseur d’un État.
Sous son impulsion, Rhodes devient une cité fortifiée, un port actif, une enclave chrétienne dans un monde musulman en expansion. Il y installe des chevaliers venus de toute l’Europe, fait frapper des monnaies, édifie des remparts. L’Ordre renaît.
Il aura fallu un homme, et une île, pour faire revivre un empire tombé.

L’ombre du pouvoir
Mais les grands destins s’accompagnent toujours de zones grises. Foulques de Villaret, s’il est un chef, est aussi un homme. Ambitieux, autoritaire, parfois manipulateur, il finit par diviser. En 1317, une révolte éclate au sein même de l’Ordre. Ses propres frères le forcent à quitter Rhodes.
Il s’exile à Naples, loin de l’île qu’il a conquise. On le dit isolé, amer, mais toujours digne. Il ne renonce pas à son titre. En 1319, il est finalement remplacé. Mais jusqu’à sa mort, vers 1327, il restera le maître sans royaume, mais pas sans gloire.
Héritage de pierre et de silence
Foulques de Villaret n’a pas fondé une dynastie, il a fondé un territoire. Et surtout, il a donné à l’Ordre des Hospitaliers ce qu’aucun autre maître n’avait pu lui offrir depuis la perte de Jérusalem : un avenir.
Grâce à lui, les Hospitaliers survivront encore deux siècles à Rhodes, puis trois à Malte. Leur mémoire est inscrite dans la pierre des remparts, dans le tracé des bastions, dans les archives du Vatican et les cartes marines.
Aujourd’hui encore, son nom demeure sur une plaque, une ruelle, une stèle oubliée.
Mais ce qu’il a construit dépasse le marbre et les mots : c’est une idée. Celle d’un Ordre militaire survivant à la chute de ses rêves, se réinventant au fil des siècles, porté par la vision d’un homme qui, entre croisade et pragmatisme, aura su incarner l’un des derniers grands élans du Moyen Âge.
Foulques de Villaret fut un homme d’action dans un monde en transition. Moine et prince, soldat et stratège, il appartient à cette race de bâtisseurs qui ne cherchent pas l’immortalité dans la pierre, mais dans la mémoire des hommes.
Et dans les vents qui soufflent encore sur Rhodes, on devine parfois le murmure de ses pas — ceux d’un maître sans trône, mais à jamais souverain.

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